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Éloge des sels de l’acide de chlorure ferrique.
Tu plongeras là, à bonne température, dans un bain de la sulfureuse substance.
Les feux des sels de l’acide entailleront la surface du métal et inciseront inéluctablement, sous l’effet de la morsure, la plaque de cuivre.
Tu estimeras l’attaque faite au temps. car sous l’écume verte et chaude de l’eau-forte, insidieusement apparaîtra le sujet choisi, s'affirmant dans cette épreuve sur la résistance de la matière.
Pour que les essences, ne viennent effacer cette empreinte, et que dans l’air ne s’évaporent les vapeurs acidulées et mordantes d’huiles essentielles, de colophane et autres solvants, tu imprimeras un essai sur une feuille de papier humide.
Tu passeras par la roue les langes, jusqu’au fond des creux, témoignage d’un corps à corps sans vainqueur ni vaincu d'où émergera, comme au sortir du chaos, l’image d’un monde à l’envers et dans tous ses états. Au-delà des tailles, rongées à vif, tu iras chercher les lignes, les points, les traces.
Dans l’encre souverainement tapie au plus profond des fentes, sous la pression des fontes et jusque dans l'antre de la matrice, tu fouilleras les sens cachés du trait et des signes. De l'estampe libérée, sortie de sa réserve s'offrira alors à toi, la révélation de cet intime secret : le blanc lumière et le noir sublime unis, en cet instant, par l’art de l’alchimie des sels de l’acide de chlorure férrique…
Annie Rosès, Romainville 2009
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